Un décret, une date, et c’est tout un pan de la pratique judiciaire qui bascule : depuis le 1er novembre 2019, la saisine du juge ne se fait plus sans avoir tenté, au préalable, d’apaiser le conflit autrement. Désormais, ignorer la conciliation ou la médiation, c’est s’exposer à voir sa demande rejetée d’emblée. Même la conviction intime que la tentative serait vaine ne pèse plus lourd face à la règle, sauf exceptions strictement balisées par le texte.
Dans la réalité des audiences, les refus d’examiner les dossiers pour négligence de cette étape se multiplient. Les juges n’ont plus guère de latitude, la marge d’appréciation s’amenuise. Les derniers ajustements du Code de procédure civile ne font que durcir l’exigence : règles de preuve affinées, attentes détaillées… Impossible de naviguer à vue.
Plan de l'article
- Pourquoi l’article 750-1 du Code de procédure civile marque-t-il un tournant pour le règlement amiable des litiges d’entreprise
- Quelles démarches concrètes entreprendre pour satisfaire à l’obligation de tentative amiable ?
- L’application de l’article 750-1 CPC : points de vigilance et précisions jurisprudentielles
- Ce que les dernières évolutions législatives changent pour les avocats et les entreprises
Pourquoi l’article 750-1 du Code de procédure civile marque-t-il un tournant pour le règlement amiable des litiges d’entreprise
L’article 750-1 du code de procédure civile change la donne : il place la tentative de résolution amiable au centre de la gestion des litiges d’entreprise. Terminé, le temps où la médiation ou la conciliation étaient des options laissées à l’appréciation des parties. Désormais, c’est un passage imposé, une condition d’accès au juge. Les modes alternatifs de règlement ne sont plus de simples alternatives : ils deviennent la norme.
Derrière cette réforme, une volonté affichée : désengorger les tribunaux, mais aussi pousser les entreprises à prendre leurs responsabilités. Aller devant le juge sans avoir tenté d’ouvrir le dialogue, c’est s’exposer à un rejet pur et simple. La conciliation, la médiation ou la procédure participative sont désormais des étapes incontournables. Chacune doit être formalisée, documentée, prouvée. Les directions juridiques et leurs conseils ne peuvent plus improviser.
L’impact est concret. D’après les chiffres du ministère de la Justice, les tentatives de médiation ont bondi de 30 % en deux ans. Même si le succès n’est pas systématique, la dynamique est enclenchée. À Paris, on constate déjà une réduction du nombre de recours directs au juge dans les litiges commerciaux. Un signe que le message passe.
Désormais, le juge n’intervient qu’en bout de course. Les entreprises sont incitées à privilégier le dialogue, la confidentialité et la préservation de la relation commerciale. L’article 750-1 du code de procédure civile ne se limite pas à modifier la procédure ; il impose un changement de culture aux professionnels du droit et aux acteurs économiques.
Quelles démarches concrètes entreprendre pour satisfaire à l’obligation de tentative amiable ?
La tentative amiable obligatoire ne laisse plus de place à l’improvisation. Pour chaque étape, il faut des preuves, des traces, des documents. L’article 750-1 du code de procédure civile exige, avant toute action judiciaire, un processus structuré et vérifiable.
Pour respecter cette nouvelle règle, voici les démarches à envisager :
- Conciliation : Prendre contact avec un conciliateur de justice, neutre et formé, qui guide les discussions. Une simple demande, déposée en ligne ou au tribunal, suffit à déclencher la procédure. À l’issue, un constat écrit sera remis : ce document devient la pièce maîtresse du dossier.
- Médiation : Faire appel à un médiateur agréé, parfois spécialisé dans le domaine concerné. La médiation structure les échanges, ouvre la porte à des solutions souvent inédites. Le médiateur, soumis à des règles strictes, agit dans l’intérêt d’une résolution concrète.
- Procédure participative : Chaque partie est assistée de son avocat ; ensemble, elles s’engagent à chercher un accord hors des prétoires. Chaque proposition, chaque avancée, tout est consigné par écrit. Ce mode de résolution attire désormais autant les entreprises que leurs conseils, soucieux de ne pas abîmer la relation commerciale.
La traçabilité devient la règle : échanges de courriels, lettres recommandées, comptes rendus d’avocats, procès-verbaux… Tout concourt à constituer un dossier complet, sans lequel impossible d’accéder au juge. Les directions juridiques s’appuient sur des outils de recouvrement amiable, des plateformes de médiation, voire sur des assurances protection juridique pour maîtriser les coûts.
Bonne volonté et bonne foi ne suffisent plus. Les magistrats scrutent la réalité des échanges, la consistance des démarches, la sincérité des négociations. La preuve du sérieux des tentatives devient un enjeu central, gage de rigueur pour les entreprises et leurs conseils.
L’application de l’article 750-1 CPC : points de vigilance et précisions jurisprudentielles
La sanction de l’irrecevabilité tombe dès lors que la tentative amiable préalable fait défaut. Le juge n’attend pas, il statue d’office : la procédure s’arrête là. Cette exigence pèse sur chaque assignation, chaque requête. Impossible d’espérer une régularisation tardive.
Les exceptions prévues ne concernent qu’un petit nombre de cas : urgence manifeste, impossibilité de trouver un interlocuteur, ou besoin d’homologuer un accord déjà conclu. La Cour de cassation, fidèle à une lecture rigoureuse du texte, confirme cette interprétation restrictive. Le contrôle du juge laisse peu de place à la subjectivité.
Un autre point de vigilance concerne la prescription : une tentative amiable menée trop tard ou de manière incomplète ne suspend pas le délai pour agir. Le risque est réel : perdre le bénéfice de son action pour avoir négligé la procédure préalable. Face à cela, les directions juridiques adaptent leur organisation, anticipent les délais, planifient chaque étape.
Il existe cependant une exception notable : l’injonction de payer. Ici, pas de tentative amiable requise. Cette procédure, rapide et unilatérale, échappe au champ de l’article 750-1 du code de procédure civile. La jurisprudence l’a confirmé, rassurant ainsi les services chargés du recouvrement des créances incontestées.
Ce que les dernières évolutions législatives changent pour les avocats et les entreprises
La loi Confiance dans l’institution judiciaire et le décret qui en découle redessinent les pratiques en matière de gestion des conflits d’entreprise. Partout, les avocats ajustent leur méthode. Désormais, ils orchestrent la tentative amiable obligatoire : conseil, preuve, anticipation. La moindre erreur, l’omission la plus ténue dans les justificatifs, et la procédure peut s’interrompre brutalement.
Côté entreprise, la stratégie évolue. Les directions juridiques mettent en place des outils pour tracer chaque échange, privilégient la médiation et la conciliation avant même d’envisager le contentieux. Les délais se resserrent : chaque phase amiable s’insère dans le calendrier global du litige. L’ampleur des montants en jeu oblige à une gestion fine du recouvrement amiable et à une utilisation habile des dispenses prévues par la loi.
Le Conseil national de la médiation, tout juste créé, accompagne cette transition : il encourage la montée en compétence des praticiens, popularise de nouveaux réflexes. L’entreprise et son dirigeant découvrent un paysage judiciaire où la séance devant le juge n’est plus la première étape, mais la toute dernière.
Voici quelques évolutions concrètes à retenir :
- Rôle accru du conseil juridique
- Montée en gamme de la médiation et du recouvrement
- Calendrier de gestion des litiges revu et affiné
Une ère nouvelle s’ouvre où, pour les entreprises comme pour leurs conseils, chaque contentieux commence par la preuve d’un dialogue tenté. À ceux qui espéraient encore pouvoir contourner la case amiable, la procédure rappelle désormais qu’on n’accède plus à la justice les mains vides.